Lors de la MomoCon de cette année, Leah Hoyer, responsable de la narration, et Ross Beeley, concepteur narratif, ont présenté les éléments clés de la conception narrative de Guild Wars 2. Avec l’aide du public, ils ont créé le concept original pour un nouveau personnage. Ce personnage voyagera à travers des territoires familiers accompagné de son moa. Lisez cette série d’histoires pour découvrir le monde à travers ses yeux !
Nous étions en retard à la vente aux enchères de bric et brac, plus connue sous le nom de Petite vente annuelle privée amateure, car Momo voulait chasser des insectes. À l’instant même où nous foulâmes le sol de Soren Draa, c’était comme si la terre avait pris vie sous nos yeux. Momo enfonça son énorme bec dans l’herbe, et manqua de peu de m’arracher sa laisse des mains.
Voici comment je fis mon arrivée dans cet endroit où je ne voulais même pas mettre les pieds : quinze minutes en retard, à jouer des coudes pour me faufiler dans la foule et me débattant avec un oiseau mesurant trois fois ma taille. Bien que les moas fussent de nature agitée, j’aimais malgré tout penser que j’avais bien dressé Momo. À peine l’avais-je traînée jusqu’à son enclos et commencé à déballer mes affaires, qu’elle adressait déjà de petits bruits suspicieux aux passants.
« Tu pourras chasser tous les insectes que tu veux quand nous en aurons fini ici. Tu pourras les chasser pendant une heure, si tu veux. » Je me hâtai d’installer mon invention, vérifiant rapidement le harnais et le boîtier, puis je la déposai sur la tête de Momo en m’assurant que l’analyseur biothermique reposait délicatement sur son sternum. J’effectuai un test ; l’estimation de quinze années s’afficha rapidement à l’écran, claire et lisible. « Crois-moi, j’ai tout aussi hâte que toi d’en finir avec ce cirque. »
« Squak. » Momo ébouriffa ses ailes rose-vif, pencha la tête sur le côté et fixa l’herbe, comme pour la mettre au défi de faire pousser quelque chose sous ses yeux. La voir ainsi me fit rire et je me sentis un peu mieux.
Pour la première fois, j’étais heureuse que ma O.E.T.E. ne fût ni sophistiquée ni complexe. Certaines des autres inventions en vente étaient gigantesques, avec des lumières clignotantes et des terminaux. J’avais dégoté un petit emplacement à l’écart du chemin principal pour une somme dérisoire… j’avais moins de chances d’attirer de potentiels acheteurs, mais je ne m’attendais pas vraiment à trouver une personne intéressée par mon invention.
Une voix se distingua parmi le brouhaha de la foule. « Tiens, tiens, mais c’est le désastre ambulant. Je croyais que tu avais laissé tomber, Vikki. »
« Tonni. » Je pris une profonde inspiration avant de me retourner. « Tu es venue présenter quelque chose aujourd’hui ? »
Tonni joua des coudes pour s’avancer jusqu’à mon stand, où elle me lança l’un de ses regards froids et inquisiteurs dont elle avait le secret. Ses cheveux parfaitement bouclés encadraient ses longues oreilles, et elle arborait un manteau soyeux noir et rouge bondé d’améliorations technomagiques dernier cri. Visiblement, elle avait échappé à la période difficile après l’université, bien qu’elle l’eût amplement mérité, de par son attitude.
« Acheter, pas présenter. » Elle plissa le nez. « Peut-être. Je suis venue chercher la perle rare. Des idées brillantes avant-gardistes, des projets solo ambitieux entravés par des contraintes morales insensées… ce genre de choses. »
Je déglutis. « Je n’ai rien de tout ça. »
« Quelle surprise… » Elle regarda Momo de haut en bas. « Ce truc sur l’oiseau, c’est ton invention ? Qu’est-ce que c’est ? »
Je l’aurais bien envoyée chasser les insectes elle aussi, mais… et si elle était le seul acheteur potentiel ? Était-elle réellement intéressée par mon invention ? Je me redressai et ajustai le harnais de l’analyseur. Momo souffla. « C’est le Boîtier d’Estimation de Temps Existentiel », lui dis-je. « C’est… Enfin, il prédit le temps qu’il reste à vivre au bétail domestiqué. »
« Le nom est un peu pompeux. En gros, il donne l’espérance de vie d’un animal ? »
Mes oreilles sifflèrent légèrement, mais je poursuivis mon explication. « Il peut aider à identifier des maladies inconnues grâce à un examen complet du corps du… Momo, chut ! »
Momo laissa échapper un petit cri et plongea à nouveau la tête vers le sol, visiblement en quête de quelque chose. Je la tirai en arrière gentiment, et il me sembla entendre Tonni ricaner.
« Pourquoi ne me ferais-tu pas une démonstration ? » demanda-t-elle. « Enfin, si ton oiseau accepte de te laisser faire. »
« Bien sûr qu’elle acceptera. Momo, ça suffit. » J’ajustai la laisse de Momo et lissai ses plumes, avant de démarrer la O.E.T.E., tête baissée. L’outil émit un bip sonore, ronronna et enveloppa Momo d’un vif éclair violet… parfaitement inutile pour l’analyse, mais Floxxa, mon mentor, m’avait conseillé d’ajouter un élément spectaculaire. « Comme tu peux le voir, cette moa… »
Je m’arrêtai net, et fixai l’affichage de l’appareil. Il y avait une erreur… il y avait forcément une erreur.
Tonni jeta un coup d’œil par-dessus mon épaule pour lire l’écran. « Un an ? »
« Il y a une erreur » balbutiai-je. « Il devrait indiquer une quinzaine d’années, pas une. Elle n’a encore qu’un an, et je viens de tester l’appareil. C’est sans doute… »
« Un dysfonctionnement ? » Elle secoua la tête, sceptique. « Comme c’est dommage. Puisque c’est un prototype défectueux, je veux bien t’en donner un cinquième du prix. »
Je m’assis sous un arbre, observant les autres inventeurs amateurs ranger les créations qu’ils n’avaient pas réussi à vendre. Certains, abattus, repartaient en larmes. C’était méchant d’y penser de cette façon, mais je me disais que mon invention n’était pas la seule défectueuse.
« C’était un dysfonctionnement », dis-je à Momo, qui gambadait joyeusement dans l’herbe après que j’eus vendu la O.E.T.E. à Tonni. Elle posa sa tête sur mes genoux et j’aplatis les longues plumes de sa crête pour les faire se redresser. « Il nous reste toujours l’année prochaine… »
L’année prochaine. Je sentis soudain comme une pierre tomber au fond de mon estomac. Et s’il ne s’agissait pas d’un dysfonctionnement ? Et si je condamnais Momo à passer sa dernière année en Tyrie à jouer dans un coin du laboratoire, pendant que je travaillais d’arrache-pied sur une autre invention simplement parce qu’il était plus facile de croire que mon tout premier projet était un échec ? S’il s’agissait d’une de ces histoires d’enrichissement que j’avais lues en grandissant, les choses pourraient bien prendre cette tournure.
Mais bien entendu, les protagonistes de ces histoires avaient toujours des raisons de croire en leurs inventions.
« Il y a de nombreux éleveurs de moas en Kryte », pensai-je à voix haute, tout en grattant Momo entre les yeux. « Ils auront sûrement un avis différent. »
Je ne connaissais la Kryte qu’à travers des tableaux, mais la pensée de parcourir des océans de verdure sous un ciel azur dissipa quelque peu les nuages qui embuaient mon esprit. J’imaginai Momo gambadant dans les prés, s’étirant les pattes et se prélassant au soleil. J’avais toujours été trop occupée ou fatiguée pour l’emmener dans des endroits amusants.
Mon seul espoir de gagner un tant soi peu de notoriété scientifique à Rata Sum venait de s’envoler et ce, pour une modique somme d’argent pouvant à peine payer les frais du laboratoire. Je n’avais même plus assez pour emprunter le portail jusqu’au Promontoire divin. Et si Momo était vraiment blessée, ou malade…
Elle semblait cependant en parfaite santé et, quand je la regardai, elle pépia affectueusement comme pour direUne aventure ? Allons-y !
« Qu’en dis-tu, Momo ? » J’espérais que ma voix ne trahissait pas mes craintes. « Tu veux aller te promener ? »